Cette bouffe qui nourrit les maladies (enquête El Watan)

«Plutôt correct compte tenu du temps que j’ai.» Pressé — un long trajet l’attend jusqu’à  Sidi Bel Abbès — Abdelatif, rencontré dans un fast-food de la place Audin (Alger), n’a eu que le temps de «mâcher» un bout de son sandwich avant d’emballer le reste dans une serviette en papier et de s’éclipser.

Cette bouffe qui nourrit les maladies

Mais si ce sexagénaire a eu cette fois-ci un motif précis (le temps, qui ne lui a pas permis de mieux se restaurer), ce n’est pas le cas pour Zineb et Amel, pour lesquelles fréquenter de tels espaces pour atténuer leur faim est une question d’habitude. Un style de vie.
«Que voulez-vous, on n’a pas d’autre choix !», avance timidement Amel entre deux bouchées de sandwich frites-chawarma.
Etudiantes à la Fac  centrale, résidentes d’un quartier de l’est de la capitale, les deux amies ne disposent pas de temps pour aller se restaurer chez elles.
A Alger-Centre, par contre, de l’endroit où elles poursuivent leurs études, elles n’ont que quelques pas à faire pour se retrouver dans leur fast-food préféré.
Les explications qu’elles nous fournissent sont surtout d’ordre pécuniaire : «Vu notre statut, on ne peut pas se permettre des repas coûteux dans de vrais restaurants.»
Ces deux étudiantes ne sont toutefois pas les seules à adopter ce mode de consommation rapide. Les Algériens, surtout ceux des grandes villes, sont devenus accros des fast-foods.

Ainsi pour nombre d’entre eux, enfants et adultes, le repas de midi consiste en les incontournables sandwichs chawarma, frites-omelette ou viande hachée-omelette, quelquefois pizza ou m’hadjeb (surtout harine), garantita (karantika !), ou karan ouel hami pour les gens de l’Ouest, qui constituent le menu par excellence pour atténuer leur faim.
Une alimentation déséquilibrée, hypercalorique et diététiquement très mauvaise.
«Pour des raisons sociologiques évidentes, dans la plupart des cas, les Algériens mangent de plus en plus souvent de façon déséquilibrée et donc malsaine pour la santé. C’est ce que nous constatons quotidiennement dans notre consultation orientée plus spécialement vers la rééducation alimentaire», estime le docteur Brahimi, nutritionniste. Pour notre interlocuteur, ce déséquilibre alimentaire est constaté de façon très nette chez tous ceux qui, le plus souvent pour des raisons professionnelles ou scolaires, se trouvent loin de leur domicile à midi et n’ont pas d’autre choix que de manger dehors, c’est-à-dire manger vite et souvent mal.

«Pour le moment, ma nutrition dépend de ma charge de travail, c’est la vie citadine qui m’impose cette habitude.» Le poste qu’occupe Saïda lui impose ce recours à cette pratique alimentaire. «J’ai pris cette mauvaise habitude depuis que je suis entrée dans le monde du travail. Pour ne pas perdre de temps, je préfère la restauration rapide, c’est pratique, même si sur le plan culinaire, ce n’est pas bon», avoue-t-elle.
Non sans omettre de nous préciser qu’elle est consciente que cela va sûrement avoir des conséquences sur sa santé. «Un sandwich, ça cale rapidement, ça permet de continuer à travailler. Un surplus de sucre, de la mayonnaise, du ketchup plus la boisson c’est sûr qu’à long terme, cela va avoir des incidences sur ma santé», dit-elle.
Consciente, Karima l’est aussi, mais celle-ci préfère se prémunir des dangers de cette «bouffe» : «Rien qu’à sentir les odeurs des fast-foods, ça me donne des allergies. Je préfère prendre deux yaourts dans la journée.» C’est que notre interlocutrice garde toujours en mémoire «la «fâcheuse» maladie de son frère, qui avait pour origine la «malbouffe».

Fast-food, un foyer de maladies

Il est vrai que ces espaces de nutrition sont un véritable nid de maladies. Cette malbouffe n’est pas sans conséquences sur la santé des consommateurs. Et comme première grande conséquence, l’obésité qui peut à son tour provoquer de nombreuses maladies : le diabète, l’hypertension, l’arthrose, les maladies cardivasculaires, la dépression et certains cancers.
La plupart de ces «commerces» ne tiennent compte d’aucune norme d’hygiène et de salubrité. Il suffit juste d’arpenter les rues de la capitale pour constater de visu dans quelles conditions activent certains de ces fast-foods.
Les cuisines sont de grands réservoirs où pullulent toutes sortes de bestioles et autres germes vecteurs de dangereuses pathologies.
«Faut juste voir cette chawarma exposée à la poussière et la pollution», commente un passant, rue Hassiba Ben Bouali.
«En plus de l’hygiène des locaux et des ustensiles qui fait souvent défaut, il y a l’absence de lavaboset de savon dans les fast-foods. Ce qui fait de ces locaux des lieux de propagation des microbes et des maladies infectieuses», selon Hacene Menouar, chargé de la communication de la Fédération algérienne des consommateurs.
D’ailleurs sur ce plan, les statistiques qui nous ont été communiquées par la direction du contrôle des prix (DCP relevant du ministère du Commerce donnent le tournis.

48 fast-foods fermés à Alger depuis le début de l’année

Selon un bilan fourni par la direction de contrôle des prix (DCP) relevant du ministère du Commerce, sur 5717 interventions de leur service depuis le début de l’année 2013, ils ont eu à relever 786 infractions pour défaut d’hygiène, 48 locaux, fast-foods et autres services de restauration ont été fermés.
Par ailleurs, le non-respect des conditions d’hygiène et de conditionnement de certains produits a été à l’origine de 4000 cas d’intoxication en 2012, selon le ministère de la Santé.
Des chiffres qui sont loin de la réalité si l’on considère ceux, des dizaines, qui n’ont jamais été admis dans les structures hospitalières.
Mais en dépit de ces nombreux constats établis par les services d’hygiène, ces «restaurants» connaissent quotidiennement des flux importants de clients.
Petits et grands n’hésitent pas à se restaurer à l’extérieur, mettant ainsi leur santé en danger…

Source : http://www.elwatan.com

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